Environnement - Feux de forêt
Liban en flammes : quand le feu redessine nos forêts
Avec une année 2024 marquée par des températures records, le Liban fait face à un risque accru de feux de forêt. Alors que plusieurs régions restent en alerte rouge ou orange, la prévention devient essentielle pour protéger les populations et la biodiversité. Experts et autorités appellent à la vigilance et à une gestion proactive face à ces catastrophes naturelles exacerbées par le changement climatique.
L'année 2024 marque un triste record : celle de la plus chaude jamais enregistrée. Avec un mois d’août à peine 0,07 degré moins chaud que celui de 2023 (mois d’août le plus chaud jamais enregistré), les températures extrêmes ne se contentent pas de pousser la population vers les côtes, elles exacerbent aussi le risque de feux de forêt. Alors qu'on entame septembre, la saison des incendies est-elle vraiment derrière nous ?
Selon les données du Conseil National de la Recherche Scientifique (CNRSL), bien que la majorité du territoire libanais soit classée en zones verte et jaune*, correspondant à des risques faibles à modérés, plusieurs régions demeurent sous haute surveillance, avec des alertes rouges et orange** signalant des dangers extrêmes à très élevés. Il est impératif de rester sur le qui-vive face à une éventuelle catastrophe.
* Voir carte 1 ** Voir carte 2
Carte 1 : Les régions classées en zones verte et jaune, correspondant à des risques faibles à modérés.
Carte 2 : Les régions classées en zones rouge et orange, correspondant à des risques extrêmes à très élevés.
Carte 3 : Les régions classées en verte, jaune, rouge et orange, respectivement correspondant à des risques faibles, modérés, extrêmes et très élevés.
Mieux vaut prévenir que guérir
Pour se préparer aux incendies de forêt et minimiser les risques, voici les comportements à adopter :
Avant l'incendie :
- Vérifiez si vous résidez dans une zone à risque élevé.
- Identifiez les itinéraires d'évacuation pour quitter rapidement votre quartier.
- Élaborez un plan d'évacuation avec votre famille et vos voisins.
- Suivez les alertes incendies via l’application Leb Alerts, le site www.ewsp.gov.lb, les groupes WhatsApp, ou encore la radio.
Pendant l'incendie :
- Soyez prêt à évacuer à tout moment.
- Restez à l’écoute des radios pour suivre l’évolution de la situation et connaître les routes bloquées.
- Garez votre véhicule de manière à pouvoir partir rapidement et gardez vos objets essentiels à portée de main.
- Éloignez les matériaux inflammables de votre domicile.
- Fermez portes et fenêtres pour limiter l’entrée de fumée et de poussière.
- Coupez l'alimentation en gaz et en mazout.
Après l'incendie :
- Consultez la municipalité avant de retourner chez vous ; n’y retournez jamais sans leur feu vert.
- Faites attention aux zones touchées par les flammes, des points chauds peuvent se raviver.
- Vérifiez la salubrité de l'eau et de la nourriture ; jetez tout aliment ayant été exposé à la fumée ou aux flammes.
- Portez des gants en caoutchouc, bottes, lunettes de protection et masque lors du nettoyage.
Signaler un incendie de forêt :
- Appelez les pompiers de Beyrouth au 175 et la défense civile 125.
- Contactez les autorités locales.
- Utilisez l'application Leb Alerts pour signaler l'incendie.
Un cocktail de polluants
Les feux de forêt ne se contentent pas de ravager la biodiversité, ils détériorent également la qualité de l'air. « Ils libèrent d'énormes quantités de polluants toxiques, notamment des particules fines (PM), ainsi que des composés organiques volatils, du monoxyde et dioxyde de carbone, et des oxydes d'azote », explique Charbel Afif, expert en pollution de l'air et directeur du département de chimie à la faculté des sciences de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth. Ces émissions ont des répercussions graves sur la santé humaine, en particulier sur les systèmes cardiovasculaire et respiratoire, augmentant le risque de maladies comme la bronchite, l'asthme, les affections cardiaques, voire le cancer du poumon.
« Des études toxicologiques ont révélé que les particules émises par les feux de forêt sont encore plus nocives que celles issues d'autres sources anthropiques », poursuit-il.
Il est crucial de se protéger contre ces particules en portant un masque, notamment pour les personnes asthmatiques, les enfants et les femmes enceintes. Cette précaution reste indispensable même à plusieurs kilomètres de l'incendie, car les conditions météorologiques peuvent transporter ces particules sur de longues distances. Leur dispersion peut prendre de quelques heures à une journée complète.
Des feux pas aussi dévastateurs
Les incendies sont une perturbation fréquente dans les forêts méditerranéennes, et peuvent même favoriser la biodiversité en ouvrant les espaces forestiers et en préservant certaines espèces. Toutefois, ils deviennent dangereux lorsqu'ils sont trop fréquents ou d'une intensité excessive. En soi, les feux de forêt ne menacent pas toujours la biodiversité, mais leur répétition sur une courte période constitue un risque majeur. Le véritable danger réside dans l'augmentation des incendies, exacerbée par les températures élevées.
« Si la forêt brûle chaque année, elle n'a pas le temps de retrouver sa résilience ni de renouveler sa biodiversité », explique Carla Khater, directrice de recherche au Centre de Télédétection du Conseil national de la recherche scientifique (CNRS) au Liban et spécialiste en gestion des écosystèmes.
Bien que les incendies soient traumatisants pour les écosystèmes forestiers, « il est crucial de ne pas précipiter le reboisement, précise Mme Khater. La priorité est de protéger la forêt, de la laisser se régénérer naturellement, et de prévenir d'autres feux, le pâturage, la coupe et surtout le changement d'usage des terres par la construction. »
Quand envisager le reboisement ? « Si après cinq ou six ans la dynamique naturelle de la forêt ne se rétablit pas, et que des études de terrain confirment son incapacité à se régénérer, c'est à ce moment-là qu'il est pertinent de planifier un reboisement », conclut-elle.