Environnement - Incendie à Bourj Hammoud

Image de l'incendie au sein de la décharge de Bourj Hammoud.
Photo D.R.

Incendie à la décharge de Bourj Hammoud: un problème aux multiples facettes

L'incendie monstre qui s’est déclenché jeudi en fin d’après-midi à la décharge de Jdeideh-Bourj Hammoud, a libéré des polluants toxiques dans l'air, suscitant de vives inquiétudes quant aux risques sanitaires liés à cette pollution. Même si le feu a pu être circonscrit, sans être totalement maîtrisé, les experts appellent à la prudence et recommandent de rester chez soi, tandis que les pompiers luttent contre un brasier complexe qui met en lumière les défaillances de la gestion des déchets au Liban.

Peu après 18h jeudi, un incendie s’est déclaré dans la décharge de Jdeideh - Bourj Hammoud mettant en lumière les défaillances chroniques de la gestion des déchets au Liban. Les premières préoccupations se tournent naturellement vers la fumée qui a asphyxié la zone alentour, des heures durant et qui continuait, vendredi matin, de recouvrir le ciel du littoral du Metn-Nord et d’une partie de Beyrouth.

«Les polluants les plus inquiétants sont les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les dioxines et les furanes, autant sous forme de particules que de gaz», clarifie à 961 Scientia Charbel Afif, expert en pollution de l'air et directeur du département de chimie à la faculté des sciences de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth.

Ces polluants, qu'ils soient sous forme de particules ou de gaz, sont particulièrement dangereux car ils sont persistants dans l'environnement, s'accumulent dans les organismes vivants et peuvent causer de graves problèmes de santé, notamment des cancers, des troubles du développement et des atteintes au système immunitaire.

Selon le scientifique, «pour se protéger, il faut bien fermer les portes et les fenêtres, mettre l’air conditionné en marche (pour éviter la chaleur) et bien nettoyer les surfaces exposées aux fumées», surtout à l’extérieur. Il est donc recommandé de rester chez soi, mais s’il faut sortir, il est nécessaire de mettre un masque KN95 (FFP2) et de garder les vitres de sa voiture fermées. 

La pollution dans les secteurs les plus exposés à ces gaz varie, selon la vitesse et l’orientation du vent, mais il est probable que les plus affectées sont: Bourj Hammoud, Jdeideh, Dora, Saïfi, Médawar, Achrafieh, Zalka, Jal el Dib voire même Hazmieh.

Pour ce qui est d’un éventuel biorisque impliquant la propagation de bactéries pathologiques ou de spores de champignons filamenteux, des experts en toxicologie contactés par 961 Scientia, restent très optimistes. «La probabilité est très minime, voire inexistante car les températures très élevées générées par les flammes dégradent ces particules», rassurent-ils.

Photo A.N.I.

Un problème de taille

Il n’en reste pas moins que les séquelles du sinistre restent graves. «L'incendie qui a ravagé une partie de la montagne de déchets, haute de 40 mètres, a donné lieu à un phénomène complexe et préoccupant, explique l'ingénieur environnemental Ziad Abi Chaker lors d'une entrevue accordée à 961 Scientia. L'accumulation massive de déchets (dont la majorité est organique NDLR), associée à la chaleur estivale, a créé des poches de méthane hautement inflammables, alimentant un brasier souterrain qui pourrait couver pendant des semaines, même après l'extinction des flammes visibles». 

L'utilisation de l’eau étant inefficace, voire dangereuse, l'extinction se fait à l'aide de sable, une opération délicate et de longue haleine. «Ce sinistre met en lumière les dangers de la méthanisation incontrôlée dans les décharges, laquelle transforme ces sites en véritables volcans souterrains, aux conséquences environnementales et sanitaires potentiellement désastreuses», ajoute l’expert.

Photo A.N.I.

Du fil à retordre

Contacté par 961 Scientia, le directeur général de la Défense civile, Raymond Khattar affirme que «le processus d’extinction totale du feu prendrait beaucoup de temps» et que «les efforts actuels visent à maîtriser les flammes le plus rapidement possible car la zone est extrêmement dangereuse compte tenu de la proximité des flammes avec d’importants stocks d’hydrocarbures», en allusion aux réservoirs de carburants situés à Dora.

Le ministre sortant de l'Environnement, Nasser Yassine, s'était rendu jeudi soir sur place, afin de suivre les opérations d'extinction du brasier. Il avait annoncé qu'il allait réclamer une enquête «pour identifier les causes du sinistre » qui serait, selon M. Yassine, dû à une mauvaise gestion du site.

Images montrant des individus au sein de la décharge munis de trieurs d'ordures quelques instants après que l'incendie se soit déclaré.

Photo : Ministère de l'environnement.

Fakes news et intox

Par ailleurs, des conseils circulent sur les réseaux sociaux, selon lesquels il faudrait consommer 1200mg d’N-Acetyl Cystéine (NAC) 30 min avant chaque déjeuner, 1000mg de vitamine C liposomale et de boire continuellement une décoction de thé, de cannelle, de badiane et de clous de girofles pour se protéger des polluants présents dans l’air. «Bien que la consommation de ces additifs ne soit pas néfaste, les effets vantés ne sont pas pour le moins vrai, explique Wassim Salamé, chirurgien. Il est important de toujours prendre l’avis d’un médecin avant de consommer n’importe quel médicament ou supplément alimentaire soit-il».